Quand le 27th Engineers stationnait à Charmoy [PARTIE 1]
Le deuxième bataillon du 27th Engineers a stationné à Charmoy du 19 septembre au 21 octobre 1918. Ce bataillon était composé des compagnies D, E et F, ainsi que d'un détachement sanitaire, d'un demi état-major et de l'orchestre régimentaire. Le village avait été retenu parce qu'il se situe dans la zone d'entrainement du corps expéditionnaire américain (AEF), à l'arrière du front.
-> Lire également: Le corps expéditionnaire américain en Haute-Marne
De plus, Charmoy dispose d'une gare sur la grande ligne Paris-Mulhouse, à un peu plus de deux kilomètres du centre du village.
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De plus, Charmoy dispose d'une gare sur la grande ligne Paris-Mulhouse, à un peu plus de deux kilomètres du centre du village.
Que savons-nous du séjour ?
La principale source est l'historique du régiment publié en 1919 et dont nous avons déjà parlé. Il rapporte en quelques paragraphes les éléments principaux sur les conditions d'hébergement et d'installation, l'accueil par la population et les activités. A savoir des soldats logés dans des granges, des écuries, des greniers et des habitations. Et aussi des installations collectives qui ont probablement bouleversé la vie du petit village pendant un mois.
Extrait de l'historique du 27th Engineers |
Extrait de l'historique du 27th Engineers |
Voici la traduction:
« A 17h, le convoi spécial du 27e s’élança pour Charmoy
Fayl-Billot, une petite gare dans le département de la Haute-Marne à
environ 20 kilomètres à l’est de Langres. Après une nouvelle
nuit dans le train, le bataillon rejoignit le petit village de
Charmoy. Là, il eut sa première expérience de cantonnement
français qui, dans le cas présent, consistait essentiellement en
greniers à foin, étables et remises. Dans ce minuscule village
agricole (…) le bataillon s’installa et s’organisa tout de
suite pour rendre le cantonnement confortable. Des couchettes furent
construites, des cuisines et des sanitaires furent réalisés,
amenant de meilleures conditions d’hygiène.
Le bataillon entra ainsi dans la dernière ligne droite, un entrainement intensif pour le préparer au front. Peu de
temps après son arrivée, une épidémie de grippe (Influenza), qui
faisait rage dans cette partie de la France, se déclara et se
propagea rapidement aux trois compagnies. Le département médical,
sous les ordres du capitaine Brady, bien que handicapé par le manque de
médicaments en raison du retard des bagages lourds, et surchargé
par le nombre de malades, combattit l’épidémie et finalement en
vint à bout.
Les cas les plus sérieux furent transférés à l’hôpital
général à Langres où cinq membres du bataillon décédèrent de
pneumonie. Au moment de son arrivée à Charmoy, le bataillon fut
accueilli par le représentant du YMCA de la zone. En apprenant le
nombre d’hommes et la durée du cantonnement, il se mit
immédiatement au travail avec pour résultat qu’en trois jours fut
dressée une grande tente avec cantine, tables, plan de travail pour
écrire, une grande cuisinière et une machine à cinématographe.
Par la suite, régulièrement, il présenta à la fois des films et
du spectacle de variétés. La population française ne manqua une
seule représentation. Pendant le temps passé à Charmoy, les plus
cordiales relations furent entretenues avec la population civile.
Au moment du départ, le maire présenta une lettre à l’officier
commandant, dans laquelle il exprimait, en son nom et au nom des
habitants du village, sa reconnaissance pour la conduite des soldats
et déclarant qu’il n’y a pas eu une seule plainte à l’encontre
des hommes du bataillon pendant son séjour. »
Des documents d'époque
Mais il n'y a pas que cet historique. Au fil de notre enquête, nous avons découvert d'autres documents d'époque. La création du régiment a été accompagnée dès le départ par le journal professionnel du secteur des mines, l'Engineering and Mining Journal. Celui-ci va mettre en place une souscription pour la création d'un fond de confort (comfort fund) destiné à améliorer l'ordinaire des soldats via l'achat de machines à écrire, de tabac, du matériel de sport, d'habits, etc.. Ce fonds atteindra la somme de 20000 dollars.
C'est dans l'E&M Journal qu'ont été publiées les premières annonces de recrutement pour le régiment et le journal va publier régulièrement, en 1918 et 1919 des nouvelles des deux bataillons. D'abord, pendant les hostilités, en ne citant pas les localisations précises pour des raisons de sécurité et de confidentialité, puis par la publication de photos et du récit complet sur quatre pages en avril 1919 au moment du retour. Ce récit est une synthèse ou constitue la première version du futur historique qui sera publié la même année et dont nous avons déjà parlé ici.
Un courrier de France
Ainsi, le 2 novembre 1918, un article traitant de l'usage des sommes collectées pour le fonds de confort fait état d'un courrier venu de France, qui ne cite pas Charmoy mais dans lequel on reconnaît aisément l'étape du second bataillon dans le village. Au moment de la parution de l'article, le bataillon n'est plus à Charmoy depuis quelques jours.
Engineering and Mining Journal, 2 avril 1919. |
Captain John W. Balch |
L'officier explique que les colis (achetés grâce au fonds de confort) ont alors été ouverts et le tabac distribué aux soldats. Il indique aussi que le bataillon est très bien équipé en matériel sportif, mieux que d'autres régiments et les hommes en sont ravis. D'ailleurs une rencontre sportive avec un autre régiment est programmée "pour le prochain dimanche". La date de la lettre n'est pas indiquée dans l'article.
Le courrier fait également état du décès de quatre soldats en raison de maladie, qui avaient été transférés à l'hôpital. Le texte publié à ce moment là ne le précise pas mais grâce à l'historique, nous savons qu'il s'agit de l'épidémie de grippe espagnole et que l'hôpital dont il est question est l'hôpital militaire de Langres.
Pas de photos connues du second bataillon prises à Charmoy
Nous n'avons pas connaissance à ce jour, de l'existence de photos du deuxième bataillon prises au moment de son séjour à Charmoy. C'est d'ailleurs une grande frustration dans notre enquête au long cours. En revanche, il existe des documents d'époque réalisés sur place. D'abord il y a les signatures et graffitis laissés par les soldats sur certains murs du village.
Dans certains cas, il y est fait mention explicite du régiment. Ci-dessous, il est possible de décrypter les abréviations "CO E 27TH ENG" qui signifient Compagnie E, 27th Engineers.
Photo OC/Le blog de Charmoy |
Dans certains cas, il y est fait mention explicite du régiment. Ci-dessous, il est possible de décrypter les abréviations "CO E 27TH ENG" qui signifient Compagnie E, 27th Engineers.
Photo OC/Le blog de Charmoy |
Voir également nos articles consacrés aux graffitis.
Les archives militaires
Les archives du village gardées dans les rayonnages des Archives départementales de la Haute-Marne à Chaumont sont muettes sur la période qui nous intéresse. Il n'y a pas de documents municipaux pour septembre, octobre et novembre 1918. Ils ont été perdus ou détruits.
En revanche, les archives du régiment sont entreposées dans douze cartons aux Archives nationales, à Washington. Le service des archives a accepté d'y jeter un coup d'oeil pour nous et nous a gracieusement numérisé plusieurs documents d'époque dans lesquels il est fait explicitement mention de Charmoy.
Il en va ainsi du rapport mensuel ci-dessous, daté du mois de septembre 1918. Le "return" dresse un bilan du nombre d'hommes par unité au dernier jour du mois et fait un résumé succinct de l'activité pendant le mois écoulé. Il est signé par le colonel Oscar B. Perry, qui commande le régiment.
Ce document mentionne explicitement Charmoy et c'est le document, avec les signatures retrouvées sur les murs du village, qui colle au plus près de la réalité du séjour du 27th Engineers à Charmoy. Nous le présentons ici en deux parties car il est normalement recto/verso.
Document numérisé. Thanks to Nathan Ponzio and the reference staff at the National Archives. |
On peut y lire le rapport d'activité pour les trois compagnies du premier bataillon, déjà en France depuis le printemps et dispersées sur le front. Pour le second bataillon (c'est le dernier paragraphe), on y lit, en style télégraphique, la confirmation qu'il est composé d'un demi état-major, d'un détachement sanitaire et des trois compagnies D, E et F.
Traduction: "Arrivé à Fayl-Billot le 19 septembre (à la gare, NDT) et transféré en direction de Charmoy, Haute-Marne, où le détachement était cantonné. Du 20 au 30 septembre à Charmoy, faisant des manoeuvres sept heures par jour".
La deuxième partie du rapport, ci-dessous, donne des indications sur les effectifs précis par unité.
Document numérisé. Thanks to Nathan Ponzio and the reference staff at the National Archives. |
Ce document indique l'effectif du régiment le 30 septembre 1918: 40 officiers et 1467 hommes. On y apprend que les compagnies D, E et F sont considérées comme détachées du régiment pendant leur séjour à Charmoy. Elles comptent 247 ou 248 hommes et six officiers chacune. La deuxième ligne laisse entendre que le détachement sanitaire et l'orchestre totalisent 22 soldats et trois officiers.
Il faut en déduire que pendant un mois, Charmoy et ses 331 habitants ont accueilli 765 soldats et 21 officiers. On imagine le chamboulement dans la vie du petit village.
Le rapport du mois suivant, logiquement, fait état de la suite du cantonnement du bataillon à Charmoy, jusqu'au 21 octobre, puis du départ en direction de Clermont-en-Argonne puis Apremont et Varenne (en Argonne). Nous sommes alors, au moment de la rédaction du rapport à quelques jours de l'Armistice. A noter que les compagnies A et B du premier bataillon comptent plusieurs morts et blessés au feu.
A SUIVRE...
Document numérisé. Thanks to Nathan Ponzio and the reference staff at the National Archives. |
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